LE MÉPRIS OU L'INCULTURE

A propos de l'extension  au Musée archéologique d'Arles entreprise par le Conseil Général des Bouches du Rhône en 2012

Introduction
Il semblerait, à la lecture de différents commentaires qui me parviennent, qu’il soit nécessaire de rappeler ce qu'est une œuvre architecturale.  De même qu’il ne saurait  être question de prétendre qu'un tableau existe lorsque le peintre commence á l'ébaucher, une œuvre d’architecture ne peut être jugée par les étapes préliminaires á sa réalisation. Ainsi, j’entends dire que j’aurai prévu un volume dépassant l’angle nord du triangle en hélice pour y loger une partie du programme, en se basant sur une maquette de la toute première phase, l'esquisse.  Cette option fut écartée lors de l'avant-projet de la deuxième phase du concours lorsque les fonctions ont pu trouver leurs formes définitive et celles-ci leur signification. Et en tout état de cause, l’inviolabilité de mon œuvre démarre le 25 mars 1995 lorsqu’elle  fut livrée au maître d'ouvrage et au public. C'est le bâtiment construit qui constitue l'œuvre et en aucun cas la multitude de documents graphiques qui l'ont précédé.

Je lis encore qu'on a procédé dans le "souci de respecter l'œuvre de l'architecte". Or cela n'a pas incité le Conseil général à se renseigner, ni la Conservation des musées à apporter les éléments utiles à l'étude du bâtiment. Car au démarrage du chantier il me fut demandé une première extension pour loger un complément de réserves. Il ne fut jamais question pour moi de compléter le projet à l'angle nord ni en façade sud et les réserves trouvèrent tout naturellement place à l'angle sud-ouest par un franchissement respectueux de la paroi bleue.


vue sur l'angle sud-ouest --à gauche, revêtu de carrelage rouge, le volume construit de l'extension réserves



















premières études d'intégration de l'extension réserves
9 juillet 1988
2 avril 1990
25 septembre 1990

En quoi l'extension en cours dénature l'œuvre?

      A.   Pour ce qui est de la façade principale :

  • On voudrait créer des volumes en saillie de la façade principale qui ne représentent pas à un symbole culturel alors que le principe de base de cette façade est que seuls des volumes ayant une valeur symbolique accèdent à l'honneur de s'adresser à la ville ancienne.


  • De par sa taille, le volume proposé détruit l'harmonie de la façade principale dont les proportions ont été soigneusement étudiées pour que les volumes blancs qui la percent --au niveau de l'étage uniquement-- n'abîment pas la continuité de la paroi bleue qui constitue la vraie façade du musée, car la rampe ne peut pas être assimilée à un volume plein de par sa forme (le sol remonte) et surtout qu'elle ne perce pas la paroi mais se contente de l'accompagner. En outre, le volume proposé ne respecte pas les hauteurs des volumes avec lesquels il se doit de composer :  ses proportions ne correspondent à aucune donnée de la façade existante (degré zéro de la composition).
  • Contrairement à la vérité constructive du musée existant, qui reprend les fondements de ma théorie et pratique architecturale, on simule par cette façade un étage alors qu'il s'agit en fait d'un espace unique.
  • Une paroi en Emalit bleu, perpendiculaire à la paroi de la façade, est prévue, laquelle semble supporter le bout restant du portique démoli, alors que l'Emalit bleu n'est utilisé que pour les trois parois qui conforment le triangle et les limites de la cité muséale. Ce n'est qu'une lecture superficielle de la façade qui a pu justifier un tel choix alors que chaque matériau et chaque couleur utilisés par moi sont signifiants dans leur utilisation.
le projet d'extension en cours crée une symétrie artificielle de volumes disparates

  • Dans le projet d'extension, on fait disparaître l'angle nord du triangle, ce qui perturbe l'harmonie de la façade existante et détruit son équilibre, celui qui établissait dans sa composition une progression formelle (droite-gauche) vers l'angle de l'entrée. Cette destruction du vide d'origine est aggravée par le rajout d'un volume totalement en déséquilibre par rapport à la façade actuelle.
  • L'importance de ce volume nouveau, en trahissant la hiérarchie du projet construit, transgresse une règle élémentaire de la conception d'un projet: il sera perçu comme l'entrée principale, aidé par le fait que l'arrivée piétonne du centre-ville et l'aboutissement du jardin d'Hortus s'y retrouvent; or un pignon ne peut signifier "entrée" pour peu qu'on s'intéresse au sens en architecture, devoir essentiel d'un architecte. De plus, il faudra désormais flécher l'entrée car elle ne sera plus "évidente".



    B.   En façade sur le Rhône :

  • On ferme l'ouverture sur le fleuve sans ménagement. Il faut savoir que cette "fenêtre" a fait l'objet de plusieurs couvertures de revues, tant sa présence était jugée unique par les observateurs avertis, autant d'un côté que de l'autre. On aurait voulu m'annihiler qu'on ne se serait pas pris autrement.
La fenêtre vers le fleuve






  • On crée un volume énorme qui rajoute 17 mètres linéaires détruisant l'harmonie de cette façade sur le fleuve. Ce n'est surtout pas à cet angle qu'il fallait s'implanter pour une extension de cette importance, ce que mon étude prend en compte.

  • Des locaux techniques ont une présence en façade (ventilations ouvertes sur l'extérieur) et ont même le droit d'avoir un balcon en saillie! Un balcon en façade doit être justifié par la fonction qu'il annonce. De quelle fonction peut-il s'agir dans le cas d'un local technique? C'est un cas typique de formalisme, travers de la pratique architecturale contre lequel je me suis battu toute ma vie. Circonstance aggravante: la balcon correspond à un accès au local technique en façade.

    
       C.    En façade sur canal :

  • On casse la façade sans motif valable puisque l'augmentation de surface souhaitée peut parfaitement trouver place dans l'enceinte de la cité muséale avec une modification du cloisonnement:
augmentation de la surface des sanitaires par une excroissance de la façade sud
  • Le programme du concours prévoyait un hall avec une surface de 60 m2. Pour améliorer cet espace, nous avons fourni 400 m2, le hall devenant le lieu à partir duquel on pouvait "comprendre" le programme. Dans cette composition, les sanitaires occupent un volume opaque sur deux niveaux comportant en tout 8 sanitaires (5 au rez-de-chaussée et 3 à l'étage) dont 3 habilités pour les handicapés (2 en bas, 1 en haut). Le projet en cours détruit ce cloisonnement et rajoute un volume en façade afin de loger en tout 10 sanitaires, soit 2 supplémentaires. Au final, non seulement on s'attaque méchamment, et inutilement, à une façade mais on engage une dépense somptuaire (7 pieux, murs étanches, etc) !


    D.    Dans le cas de l'espace intérieur, l'extension, qui a été projetée en continuité avec l'exposition permanente actuelle, enfreint trois principes de la composition du musée: la structure, le plan et l'éclairage :


  • On structure le nouvel espace par des poteaux alignés en son centre qui créent des parois virtuelles, en contradiction totale avec la structure que j'avais conçue, où j'ai développé, en accord avec les ingénieurs, un système de poteaux fins en quinconce pour favoriser l'unité de l'espace.
vue panoramique de l'exposition permanente


  • Aucun respect pour le plan du musée que j'ai conçu lequel ponctue l'espace en bordure  de la façade par des alvéoles qui modulent la lumière de l'ouest, éléments non repris dans l'extension en cours du fait du choix de situer l'extension à l'angle nord.
exemple d'alvéole

  • L'éclairage du musée actuel est fait de manière indirecte, par des voiles "en potence" et par des "sheds" en toiture (cf les illustrations ci-dessus) qui prennent la lumière au nord et éclairent l'espace de manière homogène, caractéristique non reprise dans le projet d'extension lequel utilise la lumière artificielle en apport complémentaire et sans laquelle le musée serait plongé dans un demi-jour perpétuel.
     Henri Ciriani, avril 2012

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